L'association Les Chercheurs d'Air (subsidiée par Bruxelles Mobilité et soutenue financièrement par Bloomberg Philantropies* et par European Climate Fondation**), a diffusé un communiqué de presse (largement diffusé, au contraire de ceux de Mauto Défense, on se demande pourquoi?), affirmant que 58% des Bruxellois seraient favorables à l'instauration d'une journée sans voitures par semaine!
L’étude par sondage réalisée par Kantar Public et commandée par Clean Cities affirme qu’elle a été réalisée sur 1000 bruxellois représentatifs de la population cible. Mais aucune donnée n’explique pourquoi cet échantillon serait représentatif. Quels sont les critères pris en compte pour attester de cette représentativité. Quels redressements ont-ils été effectués ? Et surtout comment, c’est-à-dire selon quelle méthode cet échantillon a-t-il été tiré au sort dans la population bruxelloise ? Comment les unités sondées ont-elles été interrogées et quelle est la garantie que le répondant est bien celui qu’on pense qu’il est ? C’est-à-dire comment a-t-on vérifié le profil réel du répondant ? Si la société Kantar Public qui a mené le sondage a prélevé un échantillon dans un panel de volontaires aux sondages, généralement rémunérés pour leurs réponses, cet échantillon ne peut être représentatif car influencé par des variables cachées (dont l’appât du gain) qui ne sont pas prises en compte pour estimer la représentativité.
Ce sondage est donc biaisé quels que soient les redressements sur les quelques variables socio-démographiques utilisées pour s’assurer de la représentativité : sans doute l’âge, le genre, le type de ménage, la situation professionnelle (actif/non actif), mais certainement pas la profession, les horaires de travail, la distance domicile-travail, etc. qui sont des facteurs qui lors d’une journée sans voiture le dimanche, deviennent critiques pour la mobilité des personnes.
Concernant quelques chiffres : le rapport de clean city mentionne une économie de 4000 à 5000 barils de pétrole en cas d’une journée sans voitures le dimanche. Un baril, de pétrole c’est 159 litres composé d’un mélange de composants divers dont 74 litres de carburant de type essence, soit une économie virtuelle non démontrée de 296.000 litres de carburant. Un seul vol par Airbus A350 entre Paris et Los Angeles, consomme 87.500 litres de kérozène pour un vol de 11h47. Un aller-retour c’est donc 175.000 litres. Et l’A350 est un avion qui consomme bien moins qu’un 747. Un dimanche sans voiture aurait donc permis l’économie de consommation d’un peu moins que 2 aller-retour entre Paris et Los Angeles en A350 ou un aller-retour en Boeing 747. Or il y a chaque semaine plusieurs centaines de vols entre l’Europe et Los-Angeles.
Mais il y a pire. On estime que 23% des travailleurs, salariés et surtout non-salariés doivent travailler le dimanche. On estime qu’à Bruxelles il y aurait un peu plus de 550.000 emplois. Donc un peu plus de 125.000 personnes travaillent le dimanche à Bruxelles. Qui sont ces travailleurs ? Tout d’abord le personnel de protection et de sécurité des biens et des personnes : principalement pompiers, policiers, douaniers, ambulanciers. Le personnel de santé : médecins, infirmiers, personnel technique et logistique des hôpitaux et services d’urgence, personnel de l’hébergement social. Les infirmières des soins à domicile. Le personnel de gardiennage. Et puis tout le secteur Horeca : restaurants, café, fast-foods, hôtels dont les femmes de chambre. Le personnel d’accompagnement touristique et les commerces associés. Les services de transport (STIB, SNCB, aéroports). Le personnel des arts et du spectacle (théâtre, cinéma, musées, etc.) Et puis les ouvriers et salariés des entreprises qui pratiquent le 3X8. De nombreux travailleurs du dimanche doivent pointer donc soumis à des horaires stricts et pénalisés s’ils ne sont pas dans les temps. Enfin on doit aussi pouvoir aller chercher ou conduire un proche à la gare avec ses bagages ou à l’aéroport avec ses valises. A Zaventem plus de 20.000 passagers in/out chaque dimanche.
Or on sait que le dimanche les services des transports publics sont limités, restreints voire inexistants. Ces travailleurs du dimanche préféreraient passer un peu plus de temps en famille qu’allonger leur temps de travail par des déplacements longs et aléatoires avec des transports publics insuffisants . Si la moitié de ces 125.000 travailleurs sont contraints de se déplacer en voiture, cela fait 62.500 véhicules qui doivent circuler dans Bruxelles pour permettre à ces personnes de gagner leur vie. Or, seules 15.500 dérogations ont été accordées au total en 2023...
Et puis il y a les PMR. 400.000 à Bruxelles. Dont une grande majorité ne peut se déplacer qu’en voiture. Une journée sans voiture c’est emprisonner ces personnes chez elles. Et aussi empêcher leurs proches de leur rendre visite. On ne peut aller chercher chez elle la grand-mère pour qu’elle vienne passer un dimanche avec ses petits-enfants.
Et puis tous ceux qui pourraient profiter du dimanche pour faire un peu de tourisme en voiture et en famille : pas de lac de l’Eau d’Heure, pas de balade en Ardennes, pas de visite de Bruges ou une journée à la côte, etc. Cloitrés chez eux. Quel apaisement !
Tout ça pour leur laisser les rues pour qu’ils s’y promènent en vélo, en oubliant souvent de respecter le code de la route ce qui provoque de nombreux accidents (malgré les proclamations matamoresque de la ministre Van Den Brandt). A ce sujet, précisons que, de son côté, le SIAMU a comptabilisé en 2023, 238 interventions médicales dont 41 sur la voie publique, à savoir des chutes à vélo, en trottinettes… En comparaison, la SIAMU a totalisé 188 interventions le dimanche sans voitures de l’année dernière contre 255 en 2021. Un dimanche "normal", comme le 10 septembre dernier, les interventions étaient au nombre de 173.
Enfin, sur le plan financier, les montants sont loin d'être négligeables: 446.000 euros pour la gratuité de la Stib, 300.000 euros pour la fermeture des routes, et enfin 30.000 euros pour l'encadrement des communes. Total 776.000€.
Pour une région en quasi faillite, qui n'arrive même pas à financer une nouvelle ligne de metro, il y a de quoi se poser des questions. Et si l'on suit Les Chercheurs d'air ( une journée par semaine sans voitures), on arriverait à la somme colossale de 52 x 776.000€, soit un total de 40,352 millions€/an (même si certaines économies d'échelle pourraient être réalisées à la marge)! Une paille...
En conclusion, on peut affirmer que l’égoïsme vert n’a aucune conscience sociale.
*Bloomberg Philanthropies est une association américaine qui s'est concentrée, entre autres, sur la lutte contre le changement climatique et sur l'évolution vers des sources d'énergie propres.
**La Fondation européenne pour le climat ( ECF ) est une initiative philanthropique indépendante qui vise à lutter contre la crise climatique en favorisant le développement d'une société à zéro émission nette aux niveaux national, européen et mondial.
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